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NOT VITAL X WILDE GALLERY, GENEVE, 16.01.25 – 27.02.25

The Self

Le charismatique artiste grison vernit une nouvelle exposition personnelle à la galerie Wilde à l’occasion de la rentrée du Quartier des Bains à Genève. Rencontre autour d’une tisane de thym.

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Vue d’exposition ©Studio Éric Bergoend

 

La nécessité du mouvement

« Tout va si vite, il est important de s’arrêter  » lance-t-il. Pourtant au cours de l’année dernière, Not Vital a présenté pas moins de trois expositions solo entre Mexico City, Paris et Zürich. Comment ralentir et tenir ce rythme effréné tout en gardant l’espace nécessaire au calme et à la création ? « Je crois qu’il faut tous les deux !  » L’un nourrit l’autre dans la pratique de cet artiste toujours impatient de ce qui doit venir. Avec ses projets artistiques autour du monde, sa fonderie en Chine, ses séjours au Brésil, sa fondation en Suisse et depuis peu une nouvelle résidence au Japon également, il confie faire deux fois par an le tour du monde et s’y être habitué. Nomade, Not Vital a organisé rigoureusement sa pratique en fonction du lieu où il se trouve afin d’en tirer le meilleur parti en termes de ressources et d’inspiration. En principe, les sculptures sont faites en Chine, les dessins au Brésil et les peintures en Suisse, dans son studio aux Grisons. Cet art de la dispersion le ramène pourtant toujours dans son Engadine natale, celle qui l’a vu grandir et créer ses premières cabanes et même un tunnel dans la neige à l’âge de trois pour que son frère puisse aller à l’école.

« Sept mois de neige par an, ça te reste. La façon dont tu regardes les choses aussi : on doit regarder vers le haut sinon il y a les montagnes. C’est donné et on ne peut pas les éviter alors cela revient toujours, c’est ancré en nous. Évidemment tu vas ailleurs, au Brésil par exemple et tu te transformes mais ce sera toujours toi. »

Une fenêtre sur l’intériorité

Cette tension entre le monde extérieur et le monde intérieur revient de façon récurrente dans les œuvres de Not Vital : ce qui se voit de l’extérieur n’est pas ce qui est dedans, comme en architecture. Le nomadisme serait alors une manière d’être au plus près de soi, de ses émotions et non un éloignement perpétuel ? Explorer la profondeur du soi, de ce qui nous constitue et de ce qui nous façonne, voilà la proposition de l’artiste pour cette nouvelle exposition intitulée The Self. C’est une invitation à contempler, à se regarder dans le reflet du verre posé sur le devant de ses grandes peintures aux couleurs sombres ou dans celui de « Made in Armenia », une oeuvre en acier inoxydable qui reproduit au plafond l’escalier qui amène au premier étage de la galerie. « C’est dans l’ombre que les choses et les émotions se révèlent » me dit-il.

Entre présence et absence, les six autoportraits grand format de l’artiste sont réduits à des ovales flous dénués d’attribut physique et simplement traversés par un trait vertical pour rappeler le nez. Comme nous ne nous percevons jamais de la même façon, parfois il y a deux ou trois formes peintes sur les toiles : cette multiplicité de l’être rappelle le mouvement constant entre ce que l’on perçoit de soi et ce que l’on est. Ce n’est pas tant la forme ou la couleur qui importe mais bel et bien l’émotion et le trouble qui surviennent en s’arrêtant face aux oeuvres. De l’intense obscurité d’un bleu prussien aux violets sombres allant vers le noir, les peintures explorent les profondeurs jouant ainsi avec la présence délicate et lumineuse de la tête de l’artiste. Seule une œuvre blanche se détache de l’ensemble pour rappeler au visiteur que les origines engadinoises de Not Vital ne sont jamais très loin.

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3 Self – portraits , 2024
Huile sur toile
210 x 150 cm
©Studio Éric Bergoend

 

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Made in Armenia, 2024
Acier inoxydable
Dimension variable
©Studio Éric Bergoend

L’aura

En écho aux autoportraits sur les cimaises de la galerie, des sculptures posées au sol jalonnent élégamment l’espace : le pelvis d’un chameau en bronze, les reproductions XXL des empreintes des oreilles de l’artiste ou encore des boules de neige en marbre qui évoquent l’unicité de chacun et convoquent en même temps la présence de l’artiste. Au devant de l’autoportrait accroché au rez-de-chaussée, un de ses iconiques chapeaux ajoute un supplément d’âme à sa démarche… Not Vital n’est pas là et pourtant, l’aura de celui qui signe sobrement NOT sur ces toiles flotte dans l’air feutré de la galerie.

Complexe car elle réunit les aspects multiples de l’approche artistique globale de Not Vital, cette exposition est surtout une véritable plongée au cœur de ses préoccupations. Quand on lui demande ce qui lui reste à explorer après avoir accompli autant de projets, il ne semble s’intéresser uniquement à ce que lui réserve l’avenir, sans regarder dans le rétroviseur :« J’ai souvent le sentiment que rien ne s’est passé, que moi, je n’ai rien fait. C’est en réalité une sorte d’impulsion pour continuer à faire. » Not Vital ira certainement là où on ne l’attend pas et c’est tant mieux.

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Ears, 2024, Marbre de Lasa (2 éléments), 75 x 100 x 65 cm (chaque)
©Studio Éric Bergoend

 

Not Vital, The Self, jusqu’au 27 février 2025 à la Galerie Wilde, Boulevard Georges-Favon 19, 1204 Genève

www.wildegallery.ch